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Rencontre avec Mickaël Mercier

Mickael Mercier

En circulant sur le D31, entre Kermat et Guimiliau, nous pouvons apercevoir une grande étendue de serres. Créée en 1970 par Annick et Raymond Mercier, cette exploitation a été reprise par un de leur fils Mikaël en 2004.

Tu es à la tête de cette exploitation depuis 16 ans. Comment s’est passée la transition familiale ?

Elle s’est bien passée. Je n’avais pas une formation horticole à la base, mais une formation en gestion marketing agro-alimentaire. Quand je suis arrivé après mes études, avec un certain nombre d’idées commerciales, je pensais créer de nouveaux produits, je me disais qu’en 2 ans ou 3 ans, j’aurais pu prendre la direction de l’entreprise, mon père voyait plutôt le délai de 10 ans. Effectivement, j’ai repris après 10 ans de travail comme salarié sur l’exploitation, après avoir eu plusieurs expériences, tant au niveau de groupements différents, de productions différentes. J’ai ensuite développé l’entreprise. Le Chiffre d’affaires a été multiplié par 3.5 entre 2004 et aujourd’hui.

Quelles sont approximativement les superficies couvertes et non couvertes ?
Nous avons environ une vingtaine d’hectares, avec une surface de 5,5 hectares couverts et 3 ha de plateformes. Les cultures sont longues et nous obligent à avoir beaucoup de surface. Certaines variétés peuvent rester chez nous 6 mois, et d’autres, comme certains camélias, presque 8 ans, rempotés chaque année. Un autre point que nous avons constaté, là où auparavant, mes parents faisaient environ 60% de leur CA en automne, aujourd’hui, le commerce s’est complètement décalé, nous ne faisons que 35% en automne et le reste au printemps. Les jeunes achètent quand il fait beau, et durant les week-ends prolongés. La culture se fait en pot et non plus en pleine terre.

Combien de variétés au total et quel est le CA de l’exploitation ?

Nous avons environ 450 à 500 variétés et un chiffre d’affaires de 3 500 000€.

Quelles sont les espèces principales que nous trouvons dans l’exploitation ?
On a gardé environ 150 variétés de camélias, nous avons une gamme d’arbustes de climat doux (céanothes, orangers du Mexique, pittosporum). J’ai aussi développé une gamme de vivaces et de graminées, au cours des 10 dernières années, avec des collections d’agapanthes, de sauge, de gauras pour lesquelles il y a de la demande.

Tu possèdes également des plants originaux, type fougère arborescente ?
Oui, ou alors des plantes qu’on ne trouve pas sur le marché. C’est dans mon ADN, étant issu d’une formation marketing, j’ai bien compris qu’il faut sans cesse innover, sur des variétés nouvelles, ou sur des associations de plantes ; c’est dans ma culture. Les fougères arborescentes, qui viennent d’Australie, nous les recevons au printemps, on les rempote et on les acclimate. C’est un produit peu connu, mais qui commence à devenir à la mode aujourd’hui. Nous en vendons partout en France et un peu à l’étranger. Ces fougères demandent peu d’entretien, elles sont jolies, persistantes, graphiques, ne craignent pas le froid.

Quels sont les effectifs ? Trouves-tu de la main d’œuvre facilement, ou dois tu faire appel à de la MO étrangère ?
Il y a quinze salariés permanents, et au printemps, nous prenons encore une quinzaine de saisonniers. Nous avons une pénurie de jeunes dans nos écoles, très peu de jeunes s’intéressent à l’horticulture. Nous embauchons chaque année des jeunes sans formation que l’on forme sur place. Cela nous arrive de faire appel à de la main d’œuvre étrangère de manière très ponctuelle, durant une à deux semaines. Les coûts de main d’œuvre représentent entre 30 et 40% du coût de revient.

Quelle est la tendance aujourd’hui en matière de végétal?
Il y a 30 à 40 ans, les plantes de haie étaient les leylandis … puis ce furent les haies variées, aujourd’hui, les lots des lotissements ont des surfaces réduites de 400 à 500 m2, la haie est remplacée par une palissade ou un mur, sur lesquels on fait pousser quelques plantes grimpantes ou un bambou. Malgré tout, l’espace extérieur, qui est de plus en plus réduit, est très important, c’est un espace de vie, on y reçoit, on y fait des barbecues…et on apprécie la présence de petites plantes.

Comment perçois-tu la conception des jardins ?
A l’inverse des anglais qui ont compris qu’une plante dans une année, c’est 11 mois de feuillage et un mois de fleurs, le français pense à un mois de fleurs et oublie qu’il y a onze mois de feuillage. Quand on conçoit un jardin, il faut l’imaginer avec des plantes qui peuvent être de coloris différents, de graphisme différent. Aujourd’hui, on va réfléchir le jardin différemment, en tenant compte des plantes odorantes, des plantes utiles, car elles attirent les insectes ou font fuir les rongeurs, ou alors elles nous aident à nous alimenter. Nous, les français, sommes trop focalisés sur la fleur, et non pas sur les feuillages, les volumes, les géométries et le graphisme, et là effectivement, c’est joli toute l’année.

La demande est elle croissante, par rapport à une concurrence vive de la Hollande ?
Quand tu es jeune et que tu vas en Hollande, tu reviens et tu pleures, car la mécanisation et la robotisation est impressionnante. Aujourd’hui je relativise beaucoup, car le prix d’un produit, c’est une technicité, un climat, une collection. C’est aussi, point très important qui s’est accentué depuis la crise, la volonté d’acheter français, d’acheter local. Il faut produire de manière qualitative. Ma conviction aujourd’hui c’est qu’il y a plus de demande que d’offre, c’est qu’il ne faut pas voir la concurrence chez son voisin ou par rapport à la Hollande. Au contraire, il faut mettre tout en œuvre pour rester solidaire, car on manquera de produits d’ici quelques années.

On sort d’une période de confinement où la profession a été à l’arrêt pendant 2 mois. Nous avons quasiment rattrapé le retard. Les mois de mai juin juillet ont été très forts. Nous nous sommes rendus compte que la demande des consommateurs « citoyens » est très forte sur le végétal. 2 raisons à cela : la volonté d’acheter français et la volonté de vouloir faire par soi-même. On a vu arriver dans les jardineries de jeunes consommateurs, de jeunes ménages qui n’avaient jamais fait de potager et qui se sont mis à en faire. C’est un peu donner le sens à sa vie, ceci avec le lien à la terre. Cette demande est effective également dans les collectivités, les villes et les métropoles. La manière de concevoir la ville est en passe d’évoluer, avec une relation au végétal beaucoup plus importante. Les personnes ont besoin de se reconnecter à la nature, nous l’avons bien vu lors de cette pandémie. C’est pour cela que je reste assez positif sur la demande future.

Quelles sont les filières de vente et dans quelle proportion au niveau du CA ? Fais tu également de la vente directe ?
Je fais partie d’un groupement de producteurs, la Sica de Kerisnel. Notre clientèle, pour 2/3 environ ce sont des jardineries. Nous livrons également la grande distribution, les grossistes, les collectivités et environ 5% à l’export. Les acheteurs des centrales d’achat viennent en général deux fois par an visiter les plants et l’entreprise. Notre pépinière doit donc être toujours présentable.

Cette année a été particulière avec la crise sanitaire, quelles ont été les conséquences (CA, personnel, moyen écoulement des plants…) ?
L’ensemble du personnel, y compris les saisonniers ont travaillé pendant la crise. Il a fallu beaucoup communiquer, sur les procédures mises en place, afin de rassurer le personnel.

Tu es président de Val’hor, qui est l’interprofession française de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage depuis octobre 2018, que représente cette entité en nombre d’adhérents. Quels sont ses objectifs ?
C’est une entité qui regroupe toutes les entreprises qui touchent au végétal. Ce sont 53000 entreprises et 170000 emplois, pour un chiffre d’affaires de 14 milliards de chiffre d’affaires. La présidence est tournante sur 3 années. Le prochain président sera un paysagiste.

Quels sont vos pistes d’améliorations pour aller vers le développement durable, sujet omni présent aujourd’hui ?
Il s’agit de revoir complètement nos manières de produire et de diminuer nos intrants. Notre entreprise est certifiée « plante bleue », équivalent à haute valeur environnementale. On mène un certain nombre d’actions pour diminuer l’empreinte carbone. C’est l’utilisation des auxiliaires, qui vont supprimer les prédateurs, ce que l’on appelle la PBI, protection biologique intégrée ; c’est aussi de réfléchir à ce que nos pots soient recyclables.

Tu as été reçu par Didier Guillaume le 15 mai 2020 pour parler du manque à gagner de la filière. Avez-vous été entendu et avez-vous reçu des aides de l’état ?
Il y a eu une mobilisation sans précédente au niveau de la filière. Une aide de 25 millions d’euros a été accordée pour les producteurs, en compensation des plantes perdues et jetées lors de la pandémie.

Dans une interview, tu dis que le végétal est essentiel à la vie ? Que veux-tu dire par là ?
Le végétal est nécessaire pour le bien-être. Beaucoup de médicaments sont réalisés à base de végétaux. Des études ont montré que quand nous sommes dans un environnement végétalisé, on vit de manière plus apaisée. Autre phénomène au sortir du confinement, les transactions immobilières qui connaissent un regain important pour rechercher des maisons avec jardins.

Ce n’est pas trop compliqué de gérer ton exploitation, avec les nombreuses responsabilités que tu as au sein de la filière ?
Ce n’est pas simple, car cela me prend la moitié de mon temps. Ce choix a été fait avec l’équipe, en particulier avec mes 2 cadres. Une répartition des tâches a été faite et j’ai pleinement confiance en mon équipe. Je suis très vigilant sur la communication et sur la mise en responsabilité des personnes de l’équipe. Le plus important, ce ne sont pas les serres, ni les plants, mais ce sont les hommes. Si nous n’avons pas la bonne manière de gérer, il n’y aura pas de belle entreprise. Il est important que l’équipe au salon du végétal il y a 2 ans et ils se rendu compte salon international de référence en Allemagne, à 6 en avion, avec des commerciaux de Kérisnel, l’état d’esprit et la motivation.

Comment vois-tu l’évolution du métier à l’avenir ?
Le marché est là. Je suis plutôt optimiste. Il faut sortir de chez soi, il faut se moderniser sans cesse et sans doute se robotiser.

Quels sont les aspects que tu préfères dans ton métier ? Que t’apporte t-il ?
Notre métier est magique : on peut prendre un bout de branche de n’importe quelle plante et recréer une nouvelle plante en faisant une bouture. Il faut avoir envie d’aller chercher de nouveaux produits, de nouveaux concepts, de les mettre sur le marché ; le but étant de voir que cela fonctionne. Etre capable d’être à l’origine d’une tendance, par exemple, nous développons une gamme qui demain, nécessitera beaucoup moins d’arrosage.

Merci Mikaël pour ton témoignage optimiste et bonne continuité à toi et ton équipe pour perpétuer cette belle entreprise familiale.

Mikaël Mercier et son équipe

Les cultures sous serres

Les cultures en plein air

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